Les trois cerveaux

Vieille théorie, dont j'ai écris la première version en 1983, et tendant à indiquer que nous avons trois cerveaux différents. Il existe bien d'autres théories d'autres auteurs faisant un découpage du cerveau en trois parties selon des frontières ou des fonctionnalités différentes.

Le cerveau primitif

Le premier est le cerveau “primitif”, ou “reptilien”, ou inconscient pulsionnel (le çà freudien ?). Il contrôle les grands instincts : la faim, la soif, le sexe. Il s'exprime par des douleurs, des grands besoins : manger, copuler ; des pulsions agressives, ou des sensations de plaisir : être nu, avoir bien mangé, être détendu. Il est peut être constitué de glandes, par exemple du système endocrinien, et peut générer du stress, de l'excitation, de l'adrénaline.

Certains sens, le toucher, la détection par l'odorat de phéromones et autres odeurs sexuelles, agissent directement sur le premier cerveau.

Le deuxième cerveau

C’est le cerveau du chien, du cheval, du fauve. C’est un cerveau qui n'utilise pas le langage verbal, qui pense sans paroles, par images, par sensations. Il est à mon sens aussi important que le troisième cerveau, le cerveau verbal et cartésien.

Exemple de cas d’utilisation : “Au volant de ma voiture, j'aperçois brusquement un semi-remorque en travers de la route, ainsi que quelques véhicules épars. Je sais instantanément que je n'ai pas le temps de freiner. Je ne prends pas à droite sur l'herbe, car cela m'oblige à me porter violemment à droite, et l'herbe étant glissante, je ne pourrais pas revenir en ligne droite pour éviter le fossé. Je passe à gauche, sur le bout de chaussée libre, sans freiner.”

J'ai instantanément choisi la bonne solution, en prévoyant les conséquences des autres choix. Je n'ai pas eu le temps de me servir du langage, ni de la réflexion cartésienne : “Je n'ai pas le temps de freiner. Je dois donc passer à droite ou à gauche. Si je passe à droite, je vais me retrouver sur l'herbe. L'herbe étant glissante, je ne pourrais pas revenir en ligne droite. J'irais donc au fossé. Mauvaise solution. Examinons la solution suivante … ” etc. Il va de soi que si j'avais raisonné, je serais mort.

Je n'ai pas agi par réflexe, au sens de réflexe Pavlovien. C'est une situation complexe, et j'y suis confronté pour la première fois.

J'ai donc pensé sans paroles, par associations d'images, instantanément. Les judokas disent qu'il faut garder l'esprit vide.

Autres exemples d'utilisation du deuxième cerveau pour des calculs de trajectoire : le footballeur face au but avec le gardien un peu décalé à gauche et deux défenseurs qui arrivent de la droite ; la personne qui fait les soldes et qui adapte continuellement son parcours pour éviter de percuter les autres clients.

Le deuxième cerveau est la plupart du temps celui qui traite ce qui est perçu par les sens. Il fait beaucoup de visualisation, il pense souvent par images ou par association de souvenirs sensoriels, voire de concepts sensoriel (exemple de concept sensoriel : odeur de brûlé). Une odeur peut évoquer une image, des souvenirs. Il est le siège des fantasmes et de l'intuition féminine. Les artistes l'utilisent pour trouver des correspondances, des synesthésies. il est le siège de la communication non verbale, de la tendresse, de l'agressivité exprimée dans le ton de la voix.

Le deuxième cerveau raisonne très vite, et en parallèle. Quand on demande à la personne d’expliquer son raisonnement, elle fait appel à son troisième cerveau pour obtenir une description verbale, et souvent une rationalisation, de son raisonnement

Le troisième cerveau

C’est le cerveau du langage, du texte, des concepts, de la pensée verbale et de la communication verbale avec l’autre. Il est unique à l'espèce humaine. Il s'est développé assez rapidement (500 000 ans, ce qui est court au regard de l'évolution). En conséquence, il n'est pas bien branché sur les deux autres, son raisonnement est un peu désincarné, déconnecté des instincts et de la nature animale de l'homme. Nous ne sommes plus vraiment conscient de nos sensations, de nos perceptions physiques. Le corps est vu comme un support pour transporter la tête1).

Il est très influencé par le vocabulaire, les associations entre concepts, les religions et idéologies, la publicité. Il raisonne de manière séquentielle, et essaye d’être logique, cohérent, même si pour avoir une apparence rationnelle il doit faire des constructions artificielles.

Son plus gros défaut est que quand il a une question dont il n'a pas la réponse, il ressent un stress, une douleur, une angoisse. En conséquence, il va, non seulement chercher une réponse à chaque question, mais aussi chercher des systèmes de pensée explicatifs, qui donnent des ensembles de réponses. Plus la réponse est globale (“c'est la volonté de Dieu”), plus le système de pensée supprime l'angoisse de la question, et est analgésique (la religion est l'opium du peuple). Le troisième cerveau est très demandeur de théories, de “ismes” (catholicisme, marxisme, islamisme, syndicalisme, voire écologisme). Et il protège la théorie analgésique qu'il a choisit, il l'approfondit (théologie), la rationalise (scientisme), refuse la contestation qui le met en danger de questionnement (fanatisme). En conséquence, il se retrouve militant voire combattant pour son système de pensée (guerres de religions, tentatives de libération du peuple, etc). Il est très consommateur de pseudos explications (analyses journalistiques, lecture de Science et Vie, études de philosophie, lecture de théories sur le fonctionnement du cerveau :).

Extrait de la première version de ma théorie sur le fonctionnement du cerveau, écrite en 1983 : “Ayant constaté très tôt que les gens étaient tous persuadés d'avoir raison et croyaient en des trucs différents, j'en ai déduit que si l'un d'entre nous avait raison, les autres, c'est à dire la majeure partie, avaient tord. J'ai alors décidé de ne croire en rien. J'ai aussi remarqué que les gens se donnaient des buts, des idéaux. Ils sont juge de la distance entre eux et le but à atteindre et partie qui avance vers ce but. Ils se donnent des bons points quand ils avancent. L'être humain a besoin d'une échelle de valeurs pour pouvoir s'auto-féliciter quand il fait une “bonne” action. J'ai alors décidé de ne pas faire d'efforts et de ne pas avoir de buts. C'est un échec. J'ai quand même des croyances et des buts, dont celui de ne pas avoir de croyances et de buts. J'ai bien peur que toute cette théorie ne soit qu'une justification a posteriori de ma flemme.”

Notes et références

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