Dieu existe-t-il ?

Le problème de l'existence, ou de la non-existence de Dieu, ou d'un autre plan de réalité, métaphysique, est une question que je me pose depuis longtemps, et que je me suis initialement posée par opposition à la religion de mon père. Aujourd'hui, viscéralement, je ne ressens rien, je n'ai pas de conviction, et cette question est plus pour moi un exercice intellectuel.

Voici quelques arguments que j'ai accumulés pour ou contre l'existence d'une réalité supérieure.

Contre

La plupart des croyants sont fermement convaincus que leur religion est vraie. Certains disposent de miracles ou d'expériences personnelles pour étayer cette conviction. Pourtant, l'enseignement de chaque religion est différent. Si donc une religion est vraie, toutes les autres, soit la grande majorité, sont fausses, et ce quelle que soit la ferveur de conviction des fidèles. Aussi, il est possible de penser que la foi en une religion, et le suivi précis des exigences religieuses, est dans la plupart des cas statistiquement déraisonnable.

Pour

Le mot matériel, physique, dans lequel nous vivons, a l'air réel. Pourtant, quand nous nous penchons sur l'infiniment petit, les physiciens nous racontent de biens étranges histoires. Ils nous présentent tout un bestiaire de particules invraisemblables, de tachyons qui remontent le temps, de neutrinos qui traversent la Terre, de particules qui communiquent à distance. Il paraît que la météorite vieux de 4 milliards d'années, la crotte de chien sur le trottoir et l'oeil droit de ma voisine sont faits d'électrons rigoureusement identiques, qui de surcroît sont tantôt une onde et tantôt une particule. Il faut une sacré prédisposition au religieux pour croire à cet univers digital et fantasmagorique.Si Richard Feynman n'a pas de problème avec lui, moi si.

À l'autre bout du spectre des dimensions, la situation n'est pas meilleure. L'espace est courbé par la gravité des planètes, les trous noirs deviennent des quasars, 90 % de l'univers est constitué de matière noire invisible. Si Einstein est content avec ça, moi pas.

Non seulement les extrémités de nos dimensions euclidiennes n'ont pas l'air très réalistes, mais le temps n'a pas l'air lui non plus en grande forme. La vitesse de la lumière dans le vide ne saurait dépasser 300 000 km par seconde. Si on prend deux points espacés de 300 000 km, cette loi ne modifie pas leur position, mais indique que le temps entre ces deux points ne peut être inférieur à une seconde, comme s'il y avait une vitesse limite de propagation de la réalité. Et le fait que l'addition des vitesses ne s'applique plus au voisinage de la vitesse de la lumière est encore une distorsion temporelle.

Ce décor est manifestement illusoire. Il ne tient plus, nos instruments deviennent suffisamment puissants pour voir ses incohérences, il n'est plus possible de le considérer comme réel. Il y a autre chose derrière.

Contre

S'il me vient à l'esprit d'attraper une petite fille, de la trucider, de la faire cuire et d'en manger une partie, je sens bien que c'est mal. C'est une certitude absolue, viscérale. Et pourtant, si je remplace la petite fille par un agneau ou un lapin, il n'y a pas de problème.

Bon, supposons qu'au départ, il y ait eu deux groupes d'hommes primitifs, un groupe qui n'avait aucun problème avec le cannibalisme, et un groupe qui avait une certaine réticence à manger les enfants, en particulier les siens. Je prétends que du point de vue de la survie de l'espèce, il est préférable de ne pas manger ses enfants, et qu'au fil du temps la sélection naturelle privilégiera le deuxième groupe. L'humain va progressivement ressentir une morale viscérale, instinctive, le poussant à ressentir comme « mal » le fait de manger les enfants, en tout cas ceux de sa propre espèce.

Dans le même style, je pourrais avoir envie de coucher avec ma soeur, ou avec ma fille majeure, ou avec ma voisine. Pourtant, la plupart des cultures rejettent l'inceste. Comment en sont-elles arrivées là ? quelle différence entre ma soeur et ma voisine ? La seule différence est le risque de consanguinité. La sélection naturelle aura favorisé au fil du temps les humains qui rejettent l'inceste. Cet interdit, ce tabou est d'origine archaïque, jungien. L'humanité a réussi à dépasser certains tabous créés par la sélection naturelle, comme l'homosexualité (pour les remplacer par d'autres tabous, comme l'homophobie).

Les autres espèces n'ont pas les mêmes tabous, la même morale innée. Le lion n'a pas de problème pour manger la petite fille. L'araignée dévore son amant, puis se laisse dévorer par ses enfants. Toute la morale intuitive, la notion de bien et de mal que nous ressentons spontanément, a été implantée par la sélection naturelle. Il n'y a pas de bien et de mal, il n'y a pas de Dieu.

Avec l'apparition du langage, le ressenti moral individuel a pu devenir une morale collective, un dogme, une religion. Au sein d'une communauté, la religion permet une cohérence des comportements, une réduction des conflits interpersonnels, et améliore la probabilité de survie du groupe. Bien sûr, des conflits apparaissent aux frontières entre deux religions. Mais la sélection naturelle a pu favoriser les espèces ayant un besoin inné de morale, de divin, de croyance en Dieu.

Pour

Quand on plante un gland, on obtient un chêne. C'est invraisemblable, mais c'est comme ça. Le gland se débrouille avec les sels minéraux du sol, le carbone dans l'air et l'énergie solaire pour construire un arbre immense. Quand un spermatozoïde rencontre un ovule, les chromosomes se divisent en deux, reconstituent des paires, les cellules se divisent, puis se spécialisent, et assemblent par une machinerie physico-chimique automatique un être humain entier, dans toute sa complexité. C'est invraisemblable, mais, dixit les scientifiques, qui semblent ne pas s'étonner facilement devant la complexité de la machinerie génétique et biologique, c'est normal.

Il y a des limites à ma crédulité. La complexité invraisemblable de l'ADN, et de ses mécanismes de réparation et de reproduction, exclue toute possibilité qu'il soit apparu par hasard. Tel Jeremy Narby, je ne peux croire qu'il se soit assemblé tout seul, puis soit resté à peu près inchangé depuis les amibes primitives. De plus, la vie est une négation du principe élémentaire de l'entropie. Elle ne peut exister sans une force extérieure, une volonté, une intention. Et mon ex n'était pas un assemblage de cellules régie par des lois scientifiques. Aucune loi scientifique ne peut modéliser la beauté extérieure et la richesse intérieure d'une psy brésilienne. La contemplation de la beauté d'une femme est une expérience qui relève de l'expérience religieuse, qui prouve que l'univers n'est pas uniquement matériel.

Contre

Continuons à faire jouer à la sélection naturelle le rôle de Dieu, et imaginons deux groupes d'hommes primitifs, le premier qui fait de la cueillette et qui se contente de jouir de la vie, et le second qui se pose des questions métaphysiques du genre pourquoi le ciel est bleu, et pourquoi l'eau coule vers le bas. Au fil du temps, le deuxième groupe en finira par découvrir la pénicilline et inventer le grille-pain et l'Airbus A380. Le fait d'aimer se poser des questions, de chercher à comprendre comment fonctionnent des trucs compliqués, et de chercher à les réparer, constitue un avantage du point de vue de la sélection naturelle. Aujourd'hui, les hommes aiment bien bricoler et réparer des trucs. Le stade actuel de l'évolution de l'homme est le zèbre, qui se pose des tas de questions.

Si les hommes s'intéressent aux trucs compliqués, et aiment les réparer, la sélection naturelle va amener les femmes à s'adapter. Aujourd'hui, vu des hommes, les femmes ont l'air très compliquées, et la plupart d'entre elles ont l'air légèrement en panne.

Bien sûr, elles sont depuis peu en concurrence avec un truc encore plus compliqué et encore plus souvent en panne, Windows. Les geeks se désintéressent des femmes réelles, et celles-ci en sont réduites à aller aux Galeries Lafayette pour rechercher un parfum qui sente l'ordinateur neuf.

Non seulement la sélection naturelle pousse l'homme à se poser des questions, mais elle le pousse aussi à trouver des réponses. Si un homme n'a pas de réponse à une question, il ressent une angoisse, une douleur. Il s'intéresse alors aux systèmes explicatifs les plus vastes possible, à ceux qui prétendent tout expliquer, y compris par l'argument ultime « c'est la volonté de Dieu », « les voies de Dieu sont impénétrables », etc. Le fait d'avoir la réponse à ses questions fait cesser l'angoisse. La religion est l'opium du peuple.

La mort des anciennes religions pousse l'homme moderne à se tourner vers d'autres croyances, d'autres morales telles que la lutte contre le sida, la CGT ou la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour

Je suis conscient. Bien sûr, cette conscience n'est pas parfaite. Je vis dans un paysage mental interne constitué d'un inconscient, d'automatismes, d'une météo mentale que je ne maîtrise pas. Mais je suis conscient. Mon chat est conscient. Et si on branche un détecteur de mensonges sur mon rhododendron, et qu'on massacre le rhododendron d'à côté, on se rend compte que mon rhododendron est conscient du fait que l'on fait des horreurs à son copain.

Quelle que soit la nature de cette conscience, elle existe. Elle dépasse le domaine du physico-chimique. Mes cheveux sont vivants, mais ils ne sont pas conscients. Moi si.

En plus, je ne compte plus les témoignages de personnes qui ont su instantanément et à grande distance qu'un proche ou un ami était mort. Nous sommes tous reliés, parfois à un niveau infra conscient, par un plan immatériel de l'existence.

Contre

Tout le texte qui précède est constitué de mots, de concepts. Les concepts sont arbitraires, il n'existe que par la relation qu'ils ont vis-à-vis d'autres concepts, relation qui est décrite par le dictionnaire. Ils n'ont pas d'existence réelle. Si l'on montre une scène, par exemple une assemblée de zèbres, à différents personnes, par exemple un zèbre, un médecin, un policier, un psy, un taliban, la réalité qu'ils percevront, les concepts qui surgiront dans leur tête ne seront pas les mêmes. Toute pensée, tout raisonnement, toute croyance repose sur un vocabulaire illusoire.

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